Regard d'un avocat en droit du dommage corporel sur l'expertise

Maître Alexandre FARELLY • sept. 22, 2024

L’expertise, et le rapport qui en découle, seraient la clef de l’indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d’un accident ou d’une agression.


Ce constat est loin d’être faux. Il n’est pas complétement vrai non plus. Dans un système juridique composé de juges indépendants et impartiaux comme notre droit français l’assure, l’expertise n’est qu’un élément qui éclaire la situation d’une victime et permet de comprendre un peu mieux son vécu. Elle se suffit rarement à elle-même si on prête l’attention nécessaire qu’impose chaque vie. Et encore plus rarement si la victime n’a pas pu être accompagnée par un médecin conseil lui-même indépendant (vis-à-vis du payeur à tout le moins) ainsi que par un avocat formé en droit du dommage corporel.


Mais avant d’aller plus loin quelques précisions. Lorsque nous évoquons l’expertise nous avons à l’esprit celle qui fait suite à un accident de la circulation, de la vie ou une agression, pour prouver des préjudices, et obtenir leur indemnisation de la part de l’auteur (celui qui a commis les faits) ou de son garant (celui qui doit payer à la place de l’auteur, et on pense là bien entendu aux assureurs). Les expertises diligentées par les organismes de sécurité sociale ou de prévoyance ne sont pas le cœur de cet article mais les propos tenus peuvent retrouver application par analogie.


Après un accident de la route, l’assureur de la victime va proposer la mise en place d’une expertise médicale en envoyant son assuré rencontrer un médecin qu’il aura formé et qu’il rémunère. Un médecin qui, assez habituellement, travaille également pour l’assurance du tiers responsable… Il n’est objectivement (au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme applicable en droit français) ni indépendant ni impartial. Dans la majorité des cas la victime se présente seule devant ce médecin, qu’elle considère comme un « expert » indépendant et impartial alors qu’elle se présente en réalité devant le médecin conseil du débiteur, donc de la partie qui doit payer. C’est-à-dire un acteur qui est rémunéré, formé et sujet à la relecture par le payeur. Le cadre ainsi décrit correspond à « l’expertise unilatérale » diligentée par l’assurance de la victime ou celle du tiers responsable.


Dans les cas les plus graves, donc précisément à la suite d’une amputation, les assurances vont mettre en place une expertise parfois qualifiée de « contradictoire » qui met en présence deux médecins conseils (l’un est missionné et rémunéré par l’assurance de la victime, l’autre est missionné et rémunéré par l’assurance du tiers responsable).


S’y ajoutent souvent des inspecteurs régleurs, soit des salariés par définition soumis à un lien de subordination, qui travaillent pour les compagnies d’assurance concernées. L’inspecteur de la compagnie de l’assurance du responsable, sera amené à formaliser l’offre indemnitaire une fois la première expertise passée et l’état de santé de la victime amputée, consolidé (ce qui prendra plusieurs mois voire plusieurs années en fonction de l’âge de la victime).


Les expertises amiables qui suivront (puisque la première aura conclu à un taux d’incapacité permanente supérieur à 5%) mettront en présence la victime avec le médecin conseil de l’assurance du tiers responsable et son inspecteur régleur. En d’autres termes la victime se retrouve seule face à celui qui doit l’indemniser.


Pour éviter cette situation le droit permet d’être accompagné par un médecin conseil indépendant des assurances (communément appelé médecin « de recours ») ainsi que par un avocat formé en réparation juridique des dommages corporels.


L’avocat peut demander la mise en place d’une expertise véritablement « contradictoire » en mettant en présence le médecin conseil de l’assurance ainsi que celui choisi par la victime. Ces deux professionnels doivent signer un rapport commun qui valide des appréciations concordantes ou précise des différences de point de vue.


Car telle est la finalité de l’expertise : aboutir à un rapport précis et détaillé qui décrit la vie avant le fait générateur (l’accident ou l’agression), décrit les projets qui lui préexistait, liste les lésions et les séquelles provoquées par l’accident ; pour conclure sur les postes de préjudices subis (comme les souffrances physiques et psychiques, les gênes fonctionnelles des premiers mois, l’incapacité persistante malgré les soins et la rééducation, le besoin d’accompagnement par un tiers dans la vie quotidienne, la perte d’emploi, l’aménagement du logement, du véhicule, les besoins prothétiques etc.).


Si le rapport amiable contradictoire le permet, une discussion s’ouvre ensuite entre l’avocat et l’inspecteur de l’assureur payeur. L’objectif est d’aboutir à une indemnisation amiable. Si cela ne fonctionne pas le débat se reporte devant les magistrats qui tranchent les désaccords et condamnent l’assureur à indemniser la victime dans les proportions qu’ils estiment justes.


Il arrive régulièrement que le cadre amiable ne permette pas de mener une expertise contradictoire dans des conditions satisfaisantes tant d’un point de vue technique qu’humain.


C’est le cas lorsque les séquelles de la victime s’expliquent par la décompensation d’un état antérieur qui était asymptomatique jusqu’à l’accident. On pense ici au cas très fréquent de l’arthrose cervicale qui peut entrainer des conséquences lourdes (suite à un « coup du lapin ») en raison d’une fragilité jusqu’à alors silencieuse.


C’est encore le cas lorsque les préjudices sont sous-évalués alors qu’ils sont déterminants pour le respect des droits de la victime. Comme le besoin d’aide humaine déjà cité qui cristallise beaucoup de tension chez les assureurs compte tenu de son coût final, l’impact sur la vie professionnelle ainsi que les besoins d’aménagement et d’équipements prothétiques.


En pareil cas, c’est-à-dire lorsque l’expertise amiable n’aboutit pas à des conclusions qui permettent le respect des droits, le choix peut être fait par la victime - via son avocat - de demander la mise en place d’une expertise judiciaire censée être confiée à un médecin indépendant et impartial. Censé car malheureusement certains « experts » sont également médecins conseils (d’assurance notamment), ce qui peut légitimement affaiblir la confiance du justiciable vis-à-vis de la justice. Mais les avocats qui assistent les victimes sont vigilants sur ce point ainsi que les magistrats qui les écoutent.


L’expertise médicale dite judiciaire est alors encadrée par des règles précises que chaque partie doit respecter pour aboutir à des conclusions censées pouvoir éclairer les parties et permettre une liquidation indemnitaire, c’est-à-dire l’indemnisation des préjudices supportés. En droit le rapport d’expertise judiciaire a un poids plus important que le rapport amiable « unilatéral » ou « contradictoire ». Les juges peuvent se fonder exclusivement sur le rapport d’expertise judiciaire contrairement au rapport amiable. Cette vérité rappelée, la différence de valeur reste conceptuelle. Car dans tous les cas les Juges sont libres de trancher comme ils l’estiment juste.


L’article 246 du Code de procédure civile disposant : « Le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien ». Il faut en tirer la conclusion qu’une expertise est effectivement un point culminant pour une victime, surtout lorsqu’il est question de la consolidation de son état, soit la date à partir de laquelle ses préjudices ne sont plus susceptibles de s’améliorer et qu’il est possible de l’indemniser.


Mais ce n’est qu’une pierre parmi les autres, légèrement plus grosse que les autres, utilisée pour construire le pont entre la réalité traumatique, la réalité du quotidien, et l’indemnisation la plus juste.


Le dossier médical sera tout aussi important, de même que les avis des médecins (qui connaissent la situation de leur patient depuis des années et pas seulement depuis quelques heures comme un expert), des rééducateurs, des prothésistes, des ergothérapeutes, des psychiatres, des proches, la prise de photographies etc.


C’est un tout qui permet à la victime d’obtenir une réparation à la hauteur de ses droits et pas seulement le rapport d’expertise. Ce qui est heureux tant la qualité de ces derniers est variable, pour ne pas dire aléatoire, en fonction de ceux qui les signent. Réalité qui s’impose pour tous les intervenants et ce compris les avocats qui se doivent d’être extrêmement vigilants pour écouter, aider, accompagner ; au risque de passer à côté de quelque chose. En faisant attention aux plus petits détails, à la phrase qui n’est pas prononcée, à celle qui n’est pas complètement terminée. Pour veiller à ce que la réparation soit effectivement intégrale. Veiller à ce que l’on ait envisagé tous les aspects de la réparation en essayant de visualiser le quotidien de la victime, ses besoins, ses droits. Ce qui impose un travail synergique entre l’avocat et la victime accompagnée aussi bien en amont de l’expertise (en l’aidant à réunir les pièces utiles ou encore en lui expliquant les étapes ainsi que la logique de l’expertise) que pendant celle-ci ; et après, pour traduire les conclusions prises (là encore en réunissant des pièces si nécessaire pour parfaire le rapport). Lorsque tout se passe pour le mieux et que les planètes s’alignent, la victime obtient la réparation de ses préjudices initiaux. Comprendre ici les conséquences subies dans les suites de l’accident.


Il arrive régulièrement pour les blessures les plus graves, comme une amputation, que la situation de la victime s’aggrave des années après l’indemnisation initiale. Cela provoque une nouvelle phase d’expertises qui pourra être amiable ou décidée par un juge. Le rapport qui en découlera restera une preuve parmi les autres afin de permettre aux Juges d’apprécier au plus juste le quotidien de la vie qu’il aura entre ses mains. 

Maître Alexandre FARELLY

Avocat au Barreau de Grenoble, diplômé en réparation juridique des dommages corporels

par Maître Alexandre FARELLY 27 sept., 2024
Nous avons accompagné une victime d'un accident de la route en 2019 alors âgée de 53 ans. Un véhicule est venu la percuter pendant qu'elle marchait sur un trottoir. L'accident a été à l'origine d'un traumatisme crânien entrainant une hémorragie intracérébrale, une fracture pariétale et temporale, outre une paralysie faciale droite. Cette personne a perdu son travail, son cercle social, amical et familial. Elle est devenue dépendante de l'aide de tiers. Une expertise judiciaire a été réalisée à notre demande car l'ampleur prévisible des préjudices rendait une expertise amiable inutile. En d'autres termes une expertise amiable aurait conduit à une sous-évaluation des préjudices. Donc à une perte de temps, d'argent et d'énergie. Le rapport en mains, l'assurance n'a rien trouvé de mieux que d'engager un détective privé pour tenter de décrédibiliser les plaintes formulées par la victime. Il était soutenu que le besoin d'aide reconnu était trop généreux à l'appui de photographies montrant la victime marcher dans la rue, le regard vide. Ce qui devait justifier selon elle une contre-expertise. Aucune offre indemnitaire n'était formalisée au mépris des dispositions des articles L 211-9 et suivants du Code des assurances. L'assurance décidait de faire délivrer une assignation pour demander la tenue d'une nouvelle expertise judiciaire. Pour le dire autrement, la victime devenait la partie " défenderesse "; celle a qui on intentait un procès... Un comble. Le Cabinet a fait le choix de la transparence face à un assureur qui avait agi dans le dos. Nous l'avons informé que nous demandions l'intervention d'un ergothérapeute à domicile pour qu'il reste une journée avec la victime et nous donne son avis sur son autonomie. L'ergothérapeute a confirmé que le besoin d'aide retenu par l'expert, en l'espèce 2h par jour, était un minimum, et que le besoin réel devrait être davantage de l'ordre de 3h30 par jour. Au lieu de nous limiter à contredire l'assurance sur la demande de contre-expertise nous avons fait le nécessaire pour présenter rapidement toutes les demandes indemnitaires que le rapport permettait d'envisager. Et nous avons demandé que l'assurance soit lourdement sanctionné pour avoir manqué à son obligation de régulariser une offre dans les délais. Trois magistrats de qualité ont pris le temps d'étudier l'ensemble des pièces fournies et les argumentaires des deux parties. Ils ont décidé d'accorder une juste indemnisation au regard des préjudices supportés et de sanctionner l'absence d'offre. L'ensemble représente un montant supérieur à 1,48 million d'€ (dont près de 500.000 € au titre de la sanction pour défaut d'offre). La décision n'a pas été frappée d'appel. Elle est devenue définitive. Cette somme se justifie par la perte de l'emploi, la perte de capacités cognitives, la perte de qualité de vie et le besoin d'aide fixé souverainement à 2h30 par jour. Elle est la conséquence du respect du droit. Elle ne rendra pas à la victime sa vie perdue. Nous sommes heureux d'avoir pu aider quelqu'un qui nous a fait confiance, avec une mention spéciale pour Mme Margaux RIEFFEL, juriste au sein du cabinet dont la rigueur a été déterminante. L'assurance a fait ce qu'elle estimait devoir faire en photographiant, sans peur du ridicule, un handicap invisible. Le pouvoir judiciaire a été à la hauteur de l'enjeu.
par Maître Alexandre FARELLY 22 sept., 2024
L’expertise, et le rapport qui en découle, seraient la clef de l’indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d’un accident ou d’une agression. Ce constat est loin d’être faux. Il n’est pas complétement vrai non plus. Dans un système juridique composé de juges indépendants et impartiaux comme notre droit français l’assure, l’expertise n’est qu’un élément qui éclaire la situation d’une victime et permet de comprendre un peu mieux son vécu. Elle se suffit rarement à elle-même si on prête l’attention nécessaire qu’impose chaque vie. Et encore plus rarement si la victime n’a pas pu être accompagnée par un médecin conseil lui-même indépendant (vis-à-vis du payeur à tout le moins) ainsi que par un avocat formé en droit du dommage corporel. Mais avant d’aller plus loin quelques précisions. Lorsque nous évoquons l’expertise nous avons à l’esprit celle qui fait suite à un accident de la circulation, de la vie ou une agression, pour prouver des préjudices, et obtenir leur indemnisation de la part de l’auteur (celui qui a commis les faits) ou de son garant (celui qui doit payer à la place de l’auteur, et on pense là bien entendu aux assureurs). Les expertises diligentées par les organismes de sécurité sociale ou de prévoyance ne sont pas le cœur de cet article mais les propos tenus peuvent retrouver application par analogie. Après un accident de la route, l’assureur de la victime va proposer la mise en place d’une expertise médicale en envoyant son assuré rencontrer un médecin qu’il aura formé et qu’il rémunère. Un médecin qui, assez habituellement, travaille également pour l’assurance du tiers responsable… Il n’est objectivement (au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme applicable en droit français) ni indépendant ni impartial. Dans la majorité des cas la victime se présente seule devant ce médecin, qu’elle considère comme un « expert » indépendant et impartial alors qu’elle se présente en réalité devant le médecin conseil du débiteur, donc de la partie qui doit payer. C’est-à-dire un acteur qui est rémunéré, formé et sujet à la relecture par le payeur. Le cadre ainsi décrit correspond à « l’expertise unilatérale » diligentée par l’assurance de la victime ou celle du tiers responsable. Dans les cas les plus graves, donc précisément à la suite d’une amputation, les assurances vont mettre en place une expertise parfois qualifiée de « contradictoire » qui met en présence deux médecins conseils (l’un est missionné et rémunéré par l’assurance de la victime, l’autre est missionné et rémunéré par l’assurance du tiers responsable). S’y ajoutent souvent des inspecteurs régleurs, soit des salariés par définition soumis à un lien de subordination, qui travaillent pour les compagnies d’assurance concernées. L’inspecteur de la compagnie de l’assurance du responsable, sera amené à formaliser l’offre indemnitaire une fois la première expertise passée et l’état de santé de la victime amputée, consolidé (ce qui prendra plusieurs mois voire plusieurs années en fonction de l’âge de la victime). Les expertises amiables qui suivront (puisque la première aura conclu à un taux d’incapacité permanente supérieur à 5%) mettront en présence la victime avec le médecin conseil de l’assurance du tiers responsable et son inspecteur régleur. En d’autres termes la victime se retrouve seule face à celui qui doit l’indemniser. Pour éviter cette situation le droit permet d’être accompagné par un médecin conseil indépendant des assurances (communément appelé médecin « de recours ») ainsi que par un avocat formé en réparation juridique des dommages corporels. L’avocat peut demander la mise en place d’une expertise véritablement « contradictoire » en mettant en présence le médecin conseil de l’assurance ainsi que celui choisi par la victime. Ces deux professionnels doivent signer un rapport commun qui valide des appréciations concordantes ou précise des différences de point de vue. Car telle est la finalité de l’expertise : aboutir à un rapport précis et détaillé qui décrit la vie avant le fait générateur (l’accident ou l’agression), décrit les projets qui lui préexistait, liste les lésions et les séquelles provoquées par l’accident ; pour conclure sur les postes de préjudices subis (comme les souffrances physiques et psychiques, les gênes fonctionnelles des premiers mois, l’incapacité persistante malgré les soins et la rééducation, le besoin d’accompagnement par un tiers dans la vie quotidienne, la perte d’emploi, l’aménagement du logement, du véhicule, les besoins prothétiques etc.). Si le rapport amiable contradictoire le permet, une discussion s’ouvre ensuite entre l’avocat et l’inspecteur de l’assureur payeur. L’objectif est d’aboutir à une indemnisation amiable. Si cela ne fonctionne pas le débat se reporte devant les magistrats qui tranchent les désaccords et condamnent l’assureur à indemniser la victime dans les proportions qu’ils estiment justes. Il arrive régulièrement que le cadre amiable ne permette pas de mener une expertise contradictoire dans des conditions satisfaisantes tant d’un point de vue technique qu’humain. C’est le cas lorsque les séquelles de la victime s’expliquent par la décompensation d’un état antérieur qui était asymptomatique jusqu’à l’accident. On pense ici au cas très fréquent de l’arthrose cervicale qui peut entrainer des conséquences lourdes (suite à un « coup du lapin ») en raison d’une fragilité jusqu’à alors silencieuse. C’est encore le cas lorsque les préjudices sont sous-évalués alors qu’ils sont déterminants pour le respect des droits de la victime. Comme le besoin d’aide humaine déjà cité qui cristallise beaucoup de tension chez les assureurs compte tenu de son coût final, l’impact sur la vie professionnelle ainsi que les besoins d’aménagement et d’équipements prothétiques. En pareil cas, c’est-à-dire lorsque l’expertise amiable n’aboutit pas à des conclusions qui permettent le respect des droits, le choix peut être fait par la victime - via son avocat - de demander la mise en place d’une expertise judiciaire censée être confiée à un médecin indépendant et impartial. Censé car malheureusement certains « experts » sont également médecins conseils (d’assurance notamment), ce qui peut légitimement affaiblir la confiance du justiciable vis-à-vis de la justice. Mais les avocats qui assistent les victimes sont vigilants sur ce point ainsi que les magistrats qui les écoutent. L’expertise médicale dite judiciaire est alors encadrée par des règles précises que chaque partie doit respecter pour aboutir à des conclusions censées pouvoir éclairer les parties et permettre une liquidation indemnitaire, c’est-à-dire l’indemnisation des préjudices supportés. En droit le rapport d’expertise judiciaire a un poids plus important que le rapport amiable « unilatéral » ou « contradictoire ». Les juges peuvent se fonder exclusivement sur le rapport d’expertise judiciaire contrairement au rapport amiable. Cette vérité rappelée, la différence de valeur reste conceptuelle. Car dans tous les cas les Juges sont libres de trancher comme ils l’estiment juste. L’article 246 du Code de procédure civile disposant : « Le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien ». Il faut en tirer la conclusion qu’une expertise est effectivement un point culminant pour une victime, surtout lorsqu’il est question de la consolidation de son état, soit la date à partir de laquelle ses préjudices ne sont plus susceptibles de s’améliorer et qu’il est possible de l’indemniser. Mais ce n’est qu’une pierre parmi les autres, légèrement plus grosse que les autres, utilisée pour construire le pont entre la réalité traumatique, la réalité du quotidien, et l’indemnisation la plus juste. Le dossier médical sera tout aussi important, de même que les avis des médecins (qui connaissent la situation de leur patient depuis des années et pas seulement depuis quelques heures comme un expert), des rééducateurs, des prothésistes, des ergothérapeutes, des psychiatres, des proches, la prise de photographies etc. C’est un tout qui permet à la victime d’obtenir une réparation à la hauteur de ses droits et pas seulement le rapport d’expertise. Ce qui est heureux tant la qualité de ces derniers est variable, pour ne pas dire aléatoire, en fonction de ceux qui les signent. Réalité qui s’impose pour tous les intervenants et ce compris les avocats qui se doivent d’être extrêmement vigilants pour écouter, aider, accompagner ; au risque de passer à côté de quelque chose. En faisant attention aux plus petits détails, à la phrase qui n’est pas prononcée, à celle qui n’est pas complètement terminée. Pour veiller à ce que la réparation soit effectivement intégrale. Veiller à ce que l’on ait envisagé tous les aspects de la réparation en essayant de visualiser le quotidien de la victime, ses besoins, ses droits. Ce qui impose un travail synergique entre l’avocat et la victime accompagnée aussi bien en amont de l’expertise (en l’aidant à réunir les pièces utiles ou encore en lui expliquant les étapes ainsi que la logique de l’expertise) que pendant celle-ci ; et après, pour traduire les conclusions prises (là encore en réunissant des pièces si nécessaire pour parfaire le rapport). Lorsque tout se passe pour le mieux et que les planètes s’alignent, la victime obtient la réparation de ses préjudices initiaux. Comprendre ici les conséquences subies dans les suites de l’accident. Il arrive régulièrement pour les blessures les plus graves, comme une amputation, que la situation de la victime s’aggrave des années après l’indemnisation initiale. Cela provoque une nouvelle phase d’expertises qui pourra être amiable ou décidée par un juge. Le rapport qui en découlera restera une preuve parmi les autres afin de permettre aux Juges d’apprécier au plus juste le quotidien de la vie qu’il aura entre ses mains. Maître Alexandre FARELLY Avocat au Barreau de Grenoble, diplômé en réparation juridique des dommages corporels
par Maître Alexandre FARELLY 11 sept., 2024
Tous nos encouragements à Jean-Marc Biguillot, alias "BIG", pour le Championnat de France PMR Cup 2025 !
par Maître Alexandre Farelly 04 juil., 2024
Nous avons récemment pu accompagner une victime d'agression et de vol lors d'une fête foraine. La personne agressée a été littéralement passée à tabac sur un parking avec amputation d'un doigt (par la suite greffé) après s'être retrouvée seule contre plusieurs co-auteurs qui l'avaient suivie. Il lui a fallu plusieurs semaines avant d'oser sortir de chez elle. Elle a déposé plainte et mis en place un suivi auprès d'un psychiatre. L'enquête n'a pas permis de retrouver les co-auteurs et complices. Nous avons été contactés et nous avons conseillé de saisir la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI). La CIVI de Grenoble a fait droit a une demande d'expertise et de provision. Le Fonds de Garantie (FGTI) qui s'opposait à ces demandes a interjeté appel. Il soutenait que la victime avait dû commettre une faute pour se retrouver dans cette situation sans avoir un début de commencement de preuve pour étayer cette vision du dossier. Heureusement la Cour d'appel de Grenoble a confirmé la décision de la CIVI. Une expertise médicale a pu se tenir dans un cadre tout à fait respectueux des droits du demandeur. L'expert judiciaire (médecin légiste) a fait preuve d'indépendance ainsi que d'impartialité et le médecin conseil du FGTI de respect. Les conclusions ont été acceptées par les deux parties. Puis une phase de négociation s'est ouverte avec le FGTI et la victime a choisi d'accepter la deuxième offre indemnitaire. Seconde offre qui a été homologuée par la CIVI. Sans conseil cette victime aurait probablement nourri une colère très importante. Grâce à l'intervention d'un avocat en droit du dommage corporel, d'un expert compétent et de Juges rigoureux, elle a pu avancer et bénéficier d'une juste indemnisation.
par Maître Alexandre FARELLY 02 juil., 2024
Il paraît que c'est la période de l'euro et que l'équipe de France s'est sortie du "piège" des 8èmes de finale. Au cabinet nous respectons les goûts de chacun. Entre ceux qui aiment le foot, ceux qui aiment moins - voire pas du tout - ceux qui préfèrent la moto, et ceux qui aiment les deux. Les supporters du PSG déjeunent avec ceux de l'OL dans la joie sauf lorsqu'une compagnie d'assurance nous envoie des rapports de détective privés qui ne démontrent rien et font juste souffrir ceux que nous accompagnons. On respecte même ceux qui n'aiment pas le cinéma de Christopher Nolan... Et pour ceux qui aiment la moto comme nous on oublie pas : - Que le cerveau c'est la carrosserie grâce à l'anticipation, - Qu'il faut souscrire une garantie du conducteur d'au moins 1 million d'euros, - Que la vitesse c'est sur circuit (et ça arrache !), - Que sur circuit le dernier qui freine a perdu (sauf s'il va dans le gravier - spéciale dédicace à moi-même ; ça passait c'était beau), - Que l'airbag est une nécessité !!! Si vous êtes motard, offrez à votre dos un airbag. Si vous êtes proche d'un motard, offrez à son dos un airbag (ça peut augmenter votre garantie du conducteur selon votre contrat!). Anniversaire, Noël, Saint Valentin, pour fêter le Bac etc., offrez un airbag à celui ou celle que vous aimez. Prenez soin de vous et de vos proches.
par Maître Alexandre FARELLY 16 juin, 2024
Le métier d'avocat est fait de hauts et de bas. Parfois on se sent utile. Parfois on se sent parfaitement inefficace et incompris de ses interlocuteurs. C'est une remise en question perpétuelle qui se répercute à tous les niveaux (professionnels comme personnels). Un exercice d'adaptation quotidien. Savoir être à l'écoute. Rester pugnace malgré les murs que l'on se prend pour les personnes que l'on aide. Essayer de faire taire sa colère ou sa tristesse avant de rentrer chez soi. Les affaires traitées ne nous quittent jamais vraiment, même lorsqu'elles se sont terminées. Parce qu'il n'est pas question d'affaire en réalité mais d'un passé, d'un présent et d'un futur sur lesquels nous avons une influence. La proximité avec la personne défendue ne s'efface pas et nous renforce pour les combats futurs. Nous avons récemment obtenu au cabinet une nouvelle décision qui nous rappelle qu'il y a de l'espoir même quand les choses semblent alignées contre vous. Une décision qui confirme que si le combat est juste, s'il est mené devant des Juges de grande qualité, alors le jugement ne peut être que bon. L'histoire commence en 2017. La victime subissait un accident de la route avec rupture des ligaments croisés du genou gauche associée à une entorse sévère, entorse du poignet gauche, douleurs au niveau du rachis et stress post traumatique. Pour donner une idée de la violence du choc la personne que nous avons accompagnée évoluait dans un véhicule de près de 2 tonnes qui a fini en état d'épave. Face à ce tableau clinique, l'assurance adverse, qui n'hésite pas à se présenter comme l'assurance préférée des français dans les médias et autres supports, a déployé la stratégie de base d'un assureur : 1) Orienter la victime (seule, sans avocat, sans médecin indépendant pour l'accompagner) vers un médecin conseil d'assurance formé (formation initiale + continue), dont le chiffre d'affaire est intégralement réglé par des assureurs, agissant sur mission et consignes de l'assurance, avec un contrôle interne des conclusions prises. 2) Tenter d'écarter le lien entre la blessure du genou et l'accident (en raison d'un diagnostic retardé pourtant totalement habituel en matière de rupture de ligaments ; autrement dit, tenter d'expliquer à la victime que l'accident n'a pas touché le genou en réalité ou que cela est lié à l'état antérieur du genou qui allait lâcher un jour ou l'autre...). Sans oublier une petite " subtilité ", la cerise sur le gâteau : l'assurance adverse du tiers responsable était la même que l'assurance du véhicule de la victime. Difficile dans ce cas de faire la part des choses et de savoir si l'assureur est là pour nous aider ou pour nous rendre la vie plus " compliquée ". Enfin c'est difficile tant que l'on a pas expérimenté ce type de situation, après la question ne se pose plus. Heureusement pour elle, la victime a senti qu'il y avait un problème, que c'était trop " gros ". Notamment à partir du moment où on a essayé de lui faire croire que non la douleur, la gêne ce n'était pas l'accident. Un choix a été fait et c'est un tournant dans cette affaire. Non pas seulement parce qu'il va permettre une décision juste, mais parce que rationnellement c'était la seule chose à faire. Ce choix devrait être automatique comme on va voir un médecin lorsque l'on tombe malade. S'il ne l'est pas c'est peut-être parce que nous ne communiquons pas assez sur le sujet. D'où le souhait de partager cette expérience - qui s'apparente à un cas d'école - avec vous, qui lisez ces lignes. Ce choix vous l'aurez compris il est simple : la victime a contacté un avocat formé en droit du dommage corporel. Dont le cabinet est organisé, formé, concentré sur l'assistance des victimes. Avec un avocat certes, mais pas seulement, loin de là. L'avocat seul ne peut pas tout. Il doit être aidé car il n'est qu'un rouage dans la défense des droits. Un dossier en droit du dommage corporel qui se termine bien c'est un travail d'équipe qui a fonctionné. Juriste (avec ici une mention spéciale pour Mme Margaux RIEFFEL), assistant, secrétaire, médecin, ergothérapeute, avocat, la victime elle-même bien sûr ; c'est cette équipe-là qui se bat pour le dossier et qui s'agrandit en fonction des situations. Plus elle est soudée, guidée par des valeurs communes, par la vision des droits tels qu'ils doivent être respectés, plus les chances que tout se passe bien augmentent. A cela s'ajoute une complémentarité nécessaire bien sûr, la rencontre de cette équipe avec les qualités juridiques et humaines des Juges. Pour le dire autrement, j'ai la chance depuis plusieurs années maintenant de travailler avec des personnes à la force de travail remarquable. Sans elles je n'aurais pas pu écrire ces lignes. Connaissance prise des éléments du dossier nous avons tout de suite compris qu'il partait dans la mauvaise direction. Alors nous avons essayé de rétablir l'équilibre en demandant une expertise médicale confiée à un expert judiciaire. Je dis bien essayé car le quotidien nous apprend à quel point nous marchons sur des sables mouvants. Qu'il faut espérer le meilleur mais s'attendre au pire. La qualité du rapport de l'expert judiciaire n'a pas été à la hauteur des attentes sans être totalement mauvaise pour autant. Les séquelles du genou ont été reconnues comme étant en lien avec l'accident, de même que l'état de stress post-traumatique. Le véritable problème était devenu la perte d'emploi pour la victime. Un CDI avec un salaire tout à fait satisfaisant. Une très bonne situation que l'accident a fait voler en éclats. Parce que ce métier comportait une composante physique que les séquelles du genou rendaient impossible à assumer. A cela s'ajoutaient des difficultés dans la maitrise de la langue écrite et parlée. Un cocktail explosif vis-à-vis du marché de l'emploi malgré une RQTH. Voilà donc le tableau : des séquelles réelles sans être gravissimes mais aux conséquences désastreuses d'un point de vue professionnel. En prime cette victime était le pilier de sa famille. La perte du travail était dans ces conditions une véritable catastrophe. Or le rapport d'expertise ne concluait pas correctement sur l'aspect professionnel tout en constatant que la victime se retrouvait dans une " impasse professionnelle " en raison de l'absence de formation diplômante. L'expert ne tirait pas les conclusions sur le poste de l'incidence professionnelle qu'imposaient ses propres constatations en somme. La galère penserez-vous peut-être. Ce n'est pas fini. De façon tout à fait récurrente désormais, même si la victime a déjà la tête sous l'eau, les assurances ont une stratégie simple : recourir à des détectives privés pour tenter de décrédibiliser la parole de la personne en souffrance. C'est ignoble mais c'est classique et on en deviendrait presque paranoïaque tant cela devient automatique. L'objectif est simple : dépenser un peu pour manipuler par l'image dans l'espoir d'indemniser moins. A la manière d'une publicité c'est un investissement contre l'intelligence des experts et des juges. Ce qui est la source d'un grand danger. Parce que face à l'image si on ne fait pas attention aux détails on voit ce que l'on a envie de voir ou seulement ce que son auteur a envie que vous voyez. Pour le cas qui nous occupe ce " rapport " confinait au ridicule. Tout ce que cela démontrait était que la victime assumait ses obligations parentales malgré la douleur et qu'elle n'avait effectivement plus de travail. On décelait dans la logique de l'assurance qu'elle n'avait pas compris le problème, qu'elle ne voulait pas le comprendre ou bien qu'elle espérait décourager la victime dans son combat vers le respect de ses droits en la faisant suivre. C'est dans ces conditions, après déjà plusieurs années d'attente, d'angoisse, la perte du travail, un rapport d'expertise perfectible, et après avoir été suivie dans son quotidien, que l'assurance adverse adressait une offre d'indemnisation de 38.500 € . Cette victime ne s'est pas découragée. Elle nous a fait confiance. Elle a fait confiance au droit et à la justice. Alors nous avons attaqué après avoir tenté de négocier en vain. Nous avons rédigé un argumentaire aussi précis que possible en reprenant chaque étape du dossier et surtout en reprenant les règles applicables face à la perte d'emploi ainsi qu'en ce qui concerne les offres d'indemnisation au sens de la loi BADINTER. Nous avons essayé d'être rigoureux, justes, tout en laissant aux magistrats la possibilité de choisir entre différentes solutions. C'est le rôle de l'avocat selon nous au sein du cabinet : aider les magistrats à rendre la décision la plus juste possible. Nous traitons des dossiers qui réparent le passé et qui forgent l'avenir. Nous ne pouvons prétendre le connaître dans ses moindres détails surtout lorsque la victime est jeune. Alors on raisonne à travers des projections. Aussi est-il logique d'offrir aux magistrats la possibilité de trancher en faveur de l'avenir qui pour eux est le plus sérieux. C'est ce qu'ils ont fait dans cette affaire à travers la notion de perte de chance de percevoir des revenus après le licenciement pour inaptitude. Les juges ont par ailleurs parfaitement appliqué les sanctions qui peuvent être prononcées contre les assurances qui cherchent à tirer profit de la phase amiable pour s'en sortir à bon compte, en faisant des offres non conformes à la loi pour être incomplètes ou trop basses. L'indemnisation finale obtenue est supérieure à 570.000 € (préjudices des proches compris ainsi que les intérêts légaux doublés compte tenu d'une offre incomplète), soit une indemnisation presque 15 fois supérieure à ce qui était proposé initialement. Aucun appel n'a été interjeté. Les magistrats ont à notre sens parfaitement jugé parce qu'ils ont fait preuve d'indépendance vis-à-vis du rapport d'expertise en tenant compte de l'ensemble des pièces fournies, ne sont pas tombés dans le piège de l'image tendu par le rapport d'enquête privé, et ont tranché souverainement entre les différents futurs possibles de la partie demanderesse. Cette décision a été accueillie avec beaucoup de soulagement par la victime comme vous pouvez l'imaginer. N'ayant toujours pas retrouvé d'emploi depuis 7 ans c'est pour elle une bouffée d'oxygène et la possibilité d'aller de l'avant. De reconstruire malgré les difficultés. Pour notre cabinet ce qui domine est le sentiment d'avoir été à la hauteur de l'enjeu et un véritable encouragement pour chercher à y parvenir encore. Nous allons continuer à nous battre pour les victimes de dommages corporels malgré les murs, malgré les échecs, malgré les aléas. Donner le meilleur, en équipe, pour participer au respect des droits.
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"Mort de Flora et Nathan : le conducteur condamné à quatre ans de prison ferme" (www.francebleu.fr, lien direct : cliquer ici ) L'illustration par l'exemple que la justice sait prendre le temps nécessaire pour évoquer avec humanité la gravité des faits reprochés, cerner la personnalité de l'auteur, et celui dont les victimes ont besoin pour pouvoir exprimer leur douleur (près de 8h de procès, délibéré compris, pour permettre une réponse pénale à la suite des plaidoiries). La peine prononcée a été supérieure aux réquisitions. Elle libère d'une partie de la colère éprouvée. Elle empêchera, il faut l'espérer, et c'est tout l'enjeu, que l'auteur récidive. Il le doit à Nathan, Flora, leurs proches et la société. Sans appel interjeté, la condamnation prononcée est devenue définitive.
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